Dans un communiqué rendu public mercredi dernier, le ministère de l’Education nationale précise que des efforts «importants et continus» ont été faits pour la promotion de l’enseignement de tamazight. Evoquant les perturbations des cours en Kabylie, le ministère annonce s’atteler à faire de tamazight une langue «à part entière» du paysage éducatif national. Une réaction ?

Le communiqué du MEN est venu justement pour dissiper les doutes et les amalgames entretenus dans les esprits des élèves à travers quelques établissements au sujet de l’enseignement de tamazight. Nous sommes tous interpellés pour agir dans le sens d’éloigner l’école de la surenchère et des pressions politiciennes. Cette institution du savoir et de la socialisation ne doit pas être exploitée pour propager des idées contraires aux idéaux du vivre-ensemble et de la cohabitation en général, et des langues en particulier. Concernant l’enseignement de tamazight, nous devons reconnaître qu’il y a effectivement des efforts constants menés par le ministère de l’Education nationale, notamment depuis 2014.

Toutefois, en dépit de cet effort accompli, beaucoup reste à faire et à parfaire. Aujourd’hui, il est primordial d’aller par étape vers la cohérence et la planification de la généralisation de l’enseignement de tamazight dans les différents cycles, dans tous les établissements, à différents niveaux, dans toutes les communes, les daïras et les wilayas où cet enseignement existe. Pour amorcer cet élan, il faut identifier avec précision les nouveaux objectifs à atteindre et c’est dans ce sens que le HCA préconise au ministère de l’Education la nécessité de la prise de quelques mesures d’accompagnement, telles que l’aménagement des horaires de l’enseignement de tamazight dans l’emploi du temps, à l’instar des autres matières ; l’obligation de continuer le cursus de tamazight étant un principe acquis dans chaque cycle et, enfin, élaborer une nouvelle circulaire ministérielle modifiant et complétant la n°426 datant de 2008 pour ainsi «réglementer» davantage l’enseignement de tamazight. Egalement pour consolider la place de tamazight à l’école et comme «matière à part entière», le MEN doit mettre en exergue la perspective de réaligner cet enseignement dans la grille des matières essentielles à caractère obligatoire et qui bien entendu doit se faire conformément à un processus édicté par un plan national.

Vous évoquez dans vos différentes interventions «une forte demande sociale» à travers les régions du pays. Vous avez ainsi appelé à «identifier et capitaliser» cette demande. Comment faire pour venir à bout des résistances ?

Il faut en finir avec cette notion singulière et hors norme centrée sur le problème de la demande sociale, car celle-ci représente en elle-même un frein pour le développement de l’enseignement de tamazight. Depuis l’officialisation de tamazight, il y a deux ans, les populations de toutes les régions n’hésitent plus à inscrire leurs enfants dans le cours de tamazight ; ce qui nous conforte quant à la marche inéluctable vers la généralisation de son enseignement et traduire ainsi la dimension nationale de tamazight, socle commun de tous les Algériens. Les résistances dont vous parlez restent des cas isolés qui ne peuvent en aucun cas arrêter la roue de l’histoire.

En amont, il est fondamental d’œuvrer à la consolidation de cet enseignement et le renforcement de son étendue géographique à la faveur de la nouvelle orientation politique des hautes instances de l’Etat qui mettent le cap sur la généralisation de tamazight à travers tout le territoire national. L’officialisation de tamazight instaure de nouvelles conditions favorables à sa prise en charge et à son développement, et ce, dans la nécessaire concertation et collaboration entre le Haut commissariat à l’amazighité et le ministère de l’Education nationale. Les résistances dont vous parlez vont disparaître avec l’application des lois.

En quoi consiste ce plan de généralisation de l’enseignement de tamazight ?

 

Il s’agit d’un plan de consolidation et de généralisation progressive et planifiée de l’enseignement de tamazight à court terme ( 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019), et ce, par le renforcement des effectifs des enseignants (postes budgétaires), cela consiste à procéder au règlement de la question de l’encadrement, du caractère optionnel de la matière, de la levée de la contrainte de la résidence pour les diplômés de tamazight afin de passer les concours d’accès dans les wilayas concernées par l’enseignement de cette langue. Dès l’année scolaire 2018-2019, le cap des 48 wilayas sera atteint mais sans pour autant couvrir l’ensemble des établissements scolaires du territoire national. Le processus est entamé par un plan fixant la priorité à la généralisation horizontale ou géographique avec une consolidation essentielle de tamazight au palier primaire. Il faut aussi procéder à la généralisation de tamazight au préscolaire dans le sillage de l’enseignement/apprentissage par les langues maternelles, envisagé et mentionné dans les projets stratégiques du ministère de l’Education. Et, comme une suite logique au préscolaire, il a été recommandé d’introduire et de généraliser l’enseignement de tamazight à partir de la première année primaire (1re AP). De l’avis des spécialistes, il est nécessaire d’assurer la cohérence et la continuité de cet enseignement à tous les niveaux (établissements, communes, daïras et wilayas). La première conséquence possible de cette orientation est le recrutement des promotions sortant des quatre départements de langue et culture amazighes (DLCA) avec des diplômes de mastère et/ou licence, sans compter les prochaines promotions de l’ENS de Bouzaréah.

Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a annoncé, lors du SILA, la mise en place de l’Académie de la langue amazighe «avant la fin de l’année». Il évoque le maintien du HCA qui poursuivra son travail pour la promotion de la langue et la culture amazighes…

La déclaration de Monsieur le Premier ministre lors de l’inauguration du SILA est un acte politique majeur qui confirme que la vision et l’engagement éclairés de son Excellence le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, sont dans le parachèvement du cadre juridique d’application des dispositions de la Constitution qui permet la dotation de tamazight des conditions appropriées à sa promotion au plan pédagogique et l’instauration, au plan linguistique, des approches et outils scientifiques et académiques requis.

Le HCA, qui joue un rôle distingué dans la promotion de tamazight, est désormais concerné par la nouvelle étape en poursuivant son action en interaction et complémentarité avec l’Académie algérienne de la langue amazighe. La continuité de la mission de notre institution est un engagement d’affermir la noble mission de la promotion et du développement de la langue amazighe dans toutes ses déclinaisons en usage à travers le pays et ainsi faire des Algériennes et Algériens de demain une génération épanouie.

Le HCA participera donc avec efficience à la prise en compte et au traitement des nouvelles problématiques organisationnelles, scientifiques et techniques requises par le récent acquis constitutionnel. Cette nouvelle étape exige de nous de préconiser les mesures et dispositifs les mieux appropriés pour faire face aux défis qui se posent.