Dans son allocution prononcée à l’ouverture de la rencontre organisée hier au siège de la wilaya de Ghardaïa, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle instaurée par l’Unesco en 2000, le secrétaire général du HCA, Si El Hachemi Assad a fait un constat exhaustif de la question des langues utilisées en Algérie et appelé à plus de rapprochement.

Tenir les langues loin des tiraillements politiques et mettre en place des mécanismes pour résoudre tout conflit pouvant surgir.

Tel est le plaidoyer prononcé par secrétaire général du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA), Si El Hachemi Assad, dans son allocution prononcée à l’ouverture de la rencontre organisée hier, au siège de la wilaya de Ghardaïa, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle instaurée par l’Unesco en 2000.

Le SG commence par faire un constat de la situation des langues dans le pays, ce qui nécessite, selon lui, l’adoption d’un nouvelle politique linguistique. «Nous devons, assure-t-il, éviter de présenter l’affaire de la langue maternelle et de l’identité dans un habit politique et idéologique.

Cela a été plusieurs fois à l’origine de crispations, de provocations et de conflits linguistiques imaginaires dans des lieux fermés, loin de la réalité quotidienne de la société algérienne» Rappelant que la langue est «otage» de la politique linguistique adoptée par l’Etat, Assad affirme plaider pour une nouvelle approche «loin des tiraillements politiques qui surgissent de temps à autre» et ainsi permettre d’assurer une «réconciliation des langues» algériennes.

«Nous devons corriger les notions, nous obliger à une autocritique, et opter pour la réconciliation linguistique entre tous les Algériens.

Il faut un discours apaisé, basé sur la coexistence dans le cadre de la diversité linguistique, et la franchise, loin de la rancœur, l’exclusion, l’extrémisme, la haine de soi et l’atteinte aux symboles de l’unité nationale.

Notre responsabilité est entière, en mettant en place des moyens adéquats pour atteindre l’échange linguistique entre les interlocuteurs en arabe et en tamazight.»


Le plaidoyer du SG du HCA devant le wali de Ghardaïa et des notables locaux intervient dans un contexte national difficile : par leurs déclarations, des dirigeants politiques ou partisans ont cherché à stigmatiser une population de régions entières du pays.

M. Assad précise que l’Algérie est parmi les pays où le multilinguisme est une réalité : il y a la langue amazighe avec ses 13 variantes et la langue arabe.

Revoir la loi d’orientation de l’éducation nationale

Le SG du HCA affirme que l’Algérien doit «protéger ce trésor linguistique et le valoriser afin qu’il ne disparaisse et réactiver avec sérieux et méthode les mécanismes institutionnels» adéquats. Ce travail doit être mené, affirme-t-il, par l’école, qui permettra «un échange» entre les apprenants des deux langues nationales, le tamazight et l’arabe, «sans complexe ni surenchère».

D’ailleurs, le rôle du HCA, poursuit-il, c’est de développer toutes les variantes basées sur les mêmes règles grammaticales. Aussi, le SG du HCA plaide pour l’«encouragement» de la traduction, qui doit permettre de «faire comprendre la culture de l’autre, rapprocher (les Algériens) et réduire l’intensité d’un conflit» qui surgirait.

Autres solutions proposée par Assad : doter les animateurs de la société civile, les médiats et les pédagogues de «méthodes de résolution des conflits».

Il s’agit aussi de mettre en place des espaces d’échange pour découvrir des «incitatives de médiation» devant permettre la coexistence de toutes les langues et leurs différentes variantes à travers le pays. «Notre objectif est de consacrer une politique linguistique émanant de la réalité socio-anthropologique du pays caractérisé par le bilinguisme : tamazight/arabe.

Par cette démarche, nous allons réaliser la coupure avec l’approche idéologique dominante, et qui est en réalité un héritage de l’époque coloniale», précise-t-il, soutenant que «la coexistence» entre les deux langues n’a jamais été à l’origine de conflits ou «une menace sur la sécurité identitaire».

La Journée internationale de la langue maternelle, célébrée à Ghardaïa, se poursuivra aujourd’hui. Des ateliers sont installés, dont un est consacré à l’examen des amendements devant être proposés au ministère de l’Education pour «actualiser» la loi d’orientation 08-04 du 23 janvier 2008 de l’éducation nationale. L’un des points en discussion a trait au caractère «facultatif» de l’enseignement de tamazight.

– La commission mixte éducation-HCA toujours gelée

Un cadre de concertation entre le ministère de l’Education nationale et le HCA ne fonctionne pas depuis plusieurs mois.

En effet, le ministère et le HCA ont signé, en février 2015, un accord de partenariat pour la promotion de la langue amazighe : une commission technique de suivi commune a été installée avec pour mission de «discuter d’observations relevées sur le terrain quant aux difficultés faisant obstacle à l’attractivité et l’avancée de l’enseignement de tamazight».

Cependant, depuis plusieurs mois, les travaux de la commission mixte ont été mis en veilleuse en raison du changement du statut de certains membres, a-t-on expliqué. Le gel du travail de la commission, composée de membres des deux institutions, a été effectif sous l’ancien ministre, Nouria Benghebrit.

Le HCA souhaite que les travaux de la commission, qui se réunissait périodiquement et discutait des problèmes que pose l’enseignement de tamazight, soient relancés après la prise de fonction du nouveau responsable du département de l’Education, Mohamed Oudjaout.

Une rencontre devrait intervenir ces prochains jours entre les deux responsables de ces institutions, afin de régler ce problème et d’autres qui surviennent dans les wilayas.