Si El-Hachemi Assad, secrétaire général du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA), revient dans cet entretien sur l’enseignement de tamazight et considère que le processus de généralisation est complexe et exige l’intervention de tous. Il énumère, par ailleurs, les obstacles qui freinent la promotion de cet enseignement. Liberté : Dans un rapport du HCA sur l’enseignement de tamazight, vous avez, entre autres, évoqué le caractère facultatif de cet enseignement qui cause, selon les termes utilisés, “de grands préjudices et un frein à son avancement”. Depuis 2016, tamazight est officialisée, mais son enseignement bute presque sur les mêmes obstacles. Comment expliquez-vous cet état de fait ? Si El-Hachemi Assad :Il s'agit d'un rapport rendu public en 2014 où nous avions présenté un audit de l'enseignement de tamazight depuis son démarrage en 1995. Notre engagement est de réaliser une autre étude sur la base des données statistiques de 2015 à 2017, soit depuis l'installation de la commission mixte HCA-MEN, le 21 février 2015. Si l’enseignement de tamazight demeure encore facultatif, c’est qu’il y a deux types de raisons qui font écueil à son obligation. Bien sûr, nous, au HCA, et tous ceux qui croient en tamazight et au bien qu’elle apporte au pays sur le plan des ressources linguistiques et culturelles communes à tous les Algériens, puisées de nos racines, travaillons pour lever ce verrou qui risque d’entraver le processus de généralisation de l’enseignement de tamazight mis en place par le MEN et le HCA. Le premier obstacle est objectif : les moyens d’assurer la verticalité de cet enseignement, c'est-à-dire de la première année à la terminale, ne sont pas suffisants. Le second est d’ordre subjectif : nous devons reconnaître que des pans non négligeables de notre société n’admettent pas encore que leurs enfants étudient tamazight parce qu’ils ignorent l’enjeu de se réapproprier la langue des ancêtres et ne voient que l’inconvénient d’alourdir le programme scolaire qui leur paraît déjà trop chargé… Il faut y aller doucement et sans brûler les étapes ! Il est indéniable que depuis quatre années, beaucoup de réalisations sont visibles, mais au-delà de cette avancée et au regard des enjeux, c’est l’immensité du travail restant à accomplir qui doit nous rassembler. Aucune ressource n’est à négliger à quelque niveau que ce soit. Toutes nos énergies, nécessairement complémentaires, sont à utiliser pour traduire les directives de Son Excellence le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika. Vous êtes souvent interpellé par les enseignants de la langue amazighe qui font face à des situations parfois inextricables faites, souvent, de blocages, de manque de moyens…, que propose le HCA pour garantir aux enseignants de tamazight un climat de travail serein ? Avant de parler de propositions, il est utile de rappeler que le HCA fait beaucoup pour aider les enseignants de la langue amazighe à régler la plupart de leurs problèmes objectifs. Toutefois, nous œuvrons à plus de coordination et d’interaction avec le ministère de l’Éducation, l’installation d’une commission technique de suivi commune constituée de spécialistes linguistes et de pédagogues. La prise en charge effective des doléances des enseignants par des professionnels en la matière. L’organisation de sessions de formation au profit des inspecteurs d’administration à travers le territoire national, afin de mieux informer et instruire les chefs d’établissement. Des séminaires capables de fournir les outils légaux, déjà existants dans la législation scolaire, afin de promouvoir l’enseignement de tamazight à l’intérieur même de l’école, conformément aux lois et règlements régissant les établissements scolaires. Il est important de discuter sereinement des observations relevées sur le terrain quant aux difficultés d’ordre objectif ou subjectif faisant obstacle à l’attractivité et à l’avancée de l’enseignement de tamazight. Vous avez aussi écrit que l’officialisation de tamazight lui permettra d’avoir des moyens conséquents pour une véritable prise en charge. Plus d’un an après sa constitutionnalisation en tant que seconde langue officielle, on n’a rien vu venir… L’officialisation constitutionnelle de tamazight est un acte historique majeur qui participe à une meilleure compréhension de l’amazighité et le HCA continuera son travail de sensibilisation et de socialisation pour lever les appréhensions et casser les barrières psychologiques. Vous savez, une “véritable prise en charge” est un processus très complexe dans lequel interviennent tous les acteurs, du citoyen au ministre, et il faudra déterminer la responsabilité de tout un chacun ; le HCA assume la sienne propre. Sur le plan de l’aménagement de la langue et de son développement scientifique, l’avènement de l’académie augure d’une ère plus favorable : un budget sera alloué spécifiquement à l’aménagement de tamazight et à la recherche dans tous les domaines de l’amazighité. L’officialisation fonctionnerait donc à la fois comme un stimulus et une garantie. Le HCA a entrepris depuis quelques années un travail de coordination et de coopération avec des institutions, notamment des ministères. Pouvez-vous nous présenter, même succinctement, les projets réalisés et l’apport de ce travail à la promotion de tamazight ? Nos relations, qui sont à la fois en bonne intelligence et formalisées par des conventions, nous aident énormément dans la réalisation de nos diverses tâches qui ont toutes pour objectif la promotion de tamazight. Nous impliquons, directement ou indirectement, les institutions de l’État dans la prise en charge de tamazight. Sur ce registre, le HCA a, depuis 2014, établi la passerelle avec beaucoup de départements ministériels dont ceux de l’Éducation nationale, de la Culture, de la Justice, de la Poste et des Télécommunications, de la Communication…